Questiologie ou l’art de poser les bonnes questions

Qui, parmi vous, dans sa vie privée ou professionnelle, pose au moins une question par jour ? C’est évident : poser des questions est un acte quotidien… et pourtant, nous posons systématiquement les mêmes types de questions, qui ne représentent que 15 % des possibilités. Pourquoi ? Parce que nous cherchons des informations qui confirment notre vision du monde, notre perception de la situation, notre carte du monde. D’ailleurs, si quelqu’un agit différemment, nous lui demandons de se justifier pour que nous comprenions son comportement dans notre propre cadre. Cela nous amène à limiter nos questions à 10-15 % de ce qui est possible. Aujourd’hui, je voudrais surtout parler des 80 % des autres questions, de leur richesse et de la nécessité de les utiliser. Je souhaite également aborder l’art et la science de poser des questions.

Socrate a compris très tôt la nécessité de multiplier et de diversifier les questions. Il offrait des questions comme un cadeau à ses disciples. Par exemple, au lieu de demander « Pourquoi untel pense-t-il comme ça ? », il demandait : « Quelle hypothèse fais-tu pour conclure cela ? ». Cela déplace l’attention de l’interlocuteur sur sa propre manière de penser, l’invitant à réfléchir sur ses propres hypothèses et à découvrir ce qui façonne sa carte du monde. L’objectif de Socrate était de faire réfléchir pour éduquer.

Aujourd’hui, dans les lycées du XXIe siècle, les questions sont principalement utilisées pour évaluer les élèves, qui doivent restituer ce qu’on leur a enseigné. Ce type de question vise à vérifier et à consolider notre carte du monde. Mais pourquoi poser d’autres types de questions ? Einstein en donne une réponse : si sa vie en dépendait, il passerait les 55 premières minutes à trouver la bonne question à se poser, et seulement cinq minutes pour y répondre. Il nous montre que la mise en question est plus importante que la réponse elle-même. Par exemple, au lieu de se demander pourquoi les mouvements célestes ne sont pas expliqués par les théories actuelles, il a proposé de nouvelles hypothèses, comme celle d’un espace-temps non constant, changeant ainsi la carte du monde de la physique et permettant des avancées considérables.

Poser des questions est essentiel. La clé est de se mettre à la place de la personne à qui vous posez la question, quelle que soit la situation. Vous pouvez l’inviter à répondre en tant qu’acteur (qu’il fasse quelque chose), en tant qu’observateur (qu’il analyse la situation), ou à prendre du recul pour réfléchir à ses émotions. Cela permet d’accéder à des zones cérébrales différentes, ouvrant ainsi de nombreuses possibilités de réponses. En variant vos questions, vous multipliez par 40 les opportunités d’échanges.

Dans vos vies privées et professionnelles, poser des questions différentes ouvre de nouvelles perspectives et permet d’élargir votre carte du monde. Cela permet à chacun de diversifier ses approches et de choisir les questions qui l’aideront à progresser. Face aux défis économiques, écologiques et démographiques actuels, nous avons besoin de leaders capables de poser de meilleures questions. C’est là l’objectif de la questiologie.

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